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Rencontre avec Joseph Chedid : With a little help from my friend

  • Hugo Lafont
  • 22 janv.
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 janv.

Nous avons rencontré Joseph Chedid à La Maroquinerie, le 16 janvier, alors qu’il se préparait pour un concert qui, quelques heures plus tard, a illuminé la salle d’une joie communicative et d’une harmonie rare, à l’image de son dernier album, Hey Friend !. Véritable ode à la fraternité et à l’espoir, cet album marque une étape importante dans le parcours de cet artiste à la lumière et à la douceur contagieuse. Entre confidences sur son besoin de liberté, son rêve d’un monde en paix et son amour pour les collaborations qui transcendent les frontières, Joseph Chedid s’impose comme un créateur sincère et audacieux, prêt à bâtir des ponts là où le chaos tend à dresser des murs. Une soirée comme une consécration, mais surtout comme une promesse d’horizons encore plus lumineux.


© Pauline Mugnier




Après Maison Rock et Source, votre tout nouvel album Hey Friend ! sorti ce 16 janvier explore la fraternité comme fil rouge. Pourquoi ce thème en particulier, et pourquoi maintenant ? Est-ce un besoin personnel ou une réponse au climat actuel que vous ressentez comme universel ?


C’est un peu des deux, en effet. Cet album est ma manière de conjurer le mauvais sort face à toute cette violence ambiante, cette souffrance quotidienne si lourde et si triste à porter. Je voulais absolument que l’idée de fraternité traverse ces morceaux, cette nécessité d’être ensemble, connectés au monde, à la nature, et d’avancer en harmonie pour résister à ce qui nous divise. Dans une époque où les fractures ne cessent de s’élargir, parler de fraternité me semblait essentiel, presque vital, pour dire : « Soyons unis, avançons ensemble, parce que sinon, on n’y arrivera pas. »


Dans « Le Syndrome du Mauvais Monde », vous abordez l’aliénation face au chaos contemporain, mais avec un message final empli d’espoir. Comment avez-vous équilibrez cette dualité entre lucidité et optimiste au cours de la création de l’album ?


L’optimisme est la raison même de cet album ! Je ne pourrais pas créer sans cette conviction qu’on peut encore faire bouger les choses. Sans cet optimisme, je laisserais tout tomber. Avec Hey Friend !, j’ai voulu dire qu’il reste encore de l’espoir, que tout n’est pas perdu. Certes, ma perception du monde peut parfois être anxiogène, mais cet album est une invitation à croire que l’on peut y arriver. Mon plus grand rêve ? La paix mondiale. Ça paraît fou, je le sais, mais si on ne rêve pas de la paix, elle n’a aucune chance d’exister. Alors, à ma manière, j’ai envie de contribuer à ce rêve. Hey Friend !, c’est une tentative de mettre de la douceur là où le monde est dur, de tisser des liens là où les ruptures dominent. Je le fais à travers ma musique, parce que c’est mon langage, ma façon de répondre à ce malaise ambiant et d’offrir une alternative : se retrouver, ensemble.


Votre père Louis Chedid collabore avec vous sur « Cultiver le bonheur », une chanson portée par une chorale de 200 voix, d’ailleurs plusieurs fois présentes dans l’album. Pouvez-vous nous parler de l’énergie collective qui a émergé de cette expérience ? Est-ce une résonance directe de votre vision de la fraternité ?


La chorale sur cet album symbolise parfaitement cet élan humain et fraternel. Pour moi, elle incarne presque la voix de l’humanité. Travailler avec Les Voix Timbrées, cette chorale d’amateurs passionnés, a été une expérience extraordinaire. Ce sont des gens de tous horizons, qui ont un métier, une vie bien à eux, mais qui se réunissent pour chanter ensemble. Il y avait une énergie collective incroyable, une fraternité qui faisait écho à l’ambition de mon album. Quand j’ai eu l’opportunité de jouer avec eux en concert, j’ai découvert les arrangements de Florian Martinet, qui dirige la chorale. C’était un moment improbable, mais profondément émouvant. Ressentir cette unité m’a touché au cœur, et c’est là que j’ai eu envie de les inviter à enregistrer sur l’album. Ils ont tout de suite répondu présent. On s’est rassemblés autour d’une envie commune, et dans un monde comme le nôtre, c’est précieux de voir qu’on peut accomplir de grandes choses simplement parce qu’on le veut.


© Pauline Mugnier


Votre admiration pour des artistes comme Nina Simone, Jimi Hendrix ou encore Led Zeppelin évoque une époque où la musique portait un message social fort. Pensez-vous que la musique d’aujourd’hui remplit toujours ce rôle ? Quel est votre engagement personnel à travers cet art ?

Aujourd’hui, parler de fraternité et de joie partagée, c’est presque un acte de résistance. Cela va à l’encontre d’une époque qui valorise parfois une frontalité brute, presque nihiliste, avec ce discours quotidien du « c’est foutu ». Je comprends ce ras-le-bol, mais ma musique, elle, cherche à proposer quelque chose de lumineux, une sorte de point d’ancrage solaire dans ce climat sombre. Pour moi, cet engagement envers la lumière, c’est une manière d’être sincère, de rester fidèle à ce que je suis. Sur cet album, j’ai voulu explorer cette sincérité à travers les générations. Dans la chanson « Cultiver le bonheur », il y a un dialogue entre un père et un fils, avec toute la complexité que cela suppose dans une relation familiale. Mais au-delà des mésententes, il y a cette idée qu’on peut tous se retrouver sous une même bannière, se réunir malgré tout. Cet engagement, pour moi, c’est dire les choses viscéralement, sans filtre, et montrer qu’ensemble, il reste toujours quelque chose à construire.


Dans vos débuts, vous envoyiez des CD faits main à vos premiers fans. Aujourd’hui, avec votre propre label “Maison Rock”, vous revendiquez encore une grande autonomie. Que représente pour vous cette indépendance artistique ? Est-ce une manière de préserver votre sincérité créative ?


À chaque album, je suis allé voir des labels pour leur soumettre mes projets, mais aucun n’a réellement manifesté d’intérêt. Avec le recul, je ne le vois pas comme un problème. Au contraire, cela m’a ouvert des opportunités inattendues et, surtout, permis de préserver une liberté artistique précieuse. Si j’avais signé dès mon premier album, peut-être aurais-je été détourné de ma voie dans la fougue de ma jeunesse. Finalement, je leur en suis presque reconnaissant. Cette autonomie, même si elle est exigeante et complexe, est essentielle pour moi. La liberté n’a pas de prix, même si elle demande de renoncer à certaines attentes et de travailler sans garantie de résultats financiers à la hauteur de l’engagement. Mais c’est là que réside l’essence même de l’engagement : faire les choses parce qu’on y croit, parce qu’on veut les partager, et laisser le projet trouver son propre chemin. Être libre dans son art, c’est refuser de devenir esclave d’un marché où tout finit par se ressembler.


Vous avez également collaboré avec des artistes comme Camilo Solano, Micky Green et Brö sur cet album. Que recherchez-vous dans une collaboration ? Une confrontation d’idées, une complémentarité ou une résonance émotionnelle ?


Les trois sans aucun doute ! Pour cet album, la dimension collective était primordiale, donc les collaborations plus qu’évidentes. J’ai invité des artistes d’horizons différents à collaborer, car chaque voix, chaque univers apporte une richesse unique à la musique. C’était aussi une manière d’incarner la fraternité : mélanger les langues – portugais, anglais, français – et les générations, comme ce dialogue entre mon père et mon fils dans « Cultiver le bonheur ». Cela dépasse les frontières, les âges, les préjugés, et illustre l’idée que nous pouvons nous rassembler, malgré tout, dans un même élan.


Ce soir, vous jouez à La Maroquinerie, un lieu intimiste mais chargé d’émotions. Quelle est votre approche pour traduire l’intensité de Hey Friend ! sur scène et inclure le public dans cette communion ?


Sur scène, tout est encore neuf. Nous avons peu répété, et il est difficile de prévoir ce qui va se passer. Mon approche est simple : proposer une setlist solide, créer une communion entre musiciens et public, et laisser place à des moments d’improvisation, que j’adore. C’est comme préparer un repas : on fait de son mieux pour que tout le monde passe une soirée mémorable.



© Pauline Mugnier


Et qu’est-ce qui différencie selon Hey Friend ! de vos précédents albums ?

Cet album a une saveur particulière, car c’est le premier que j’ai mixé moi-même. Cela m’a permis d’aller encore plus loin dans ma vision artistique. Entre-temps, je suis aussi devenu père, un bouleversement majeur dans ma vie. À presque 40 ans, je suis dans une période de grands changements. Je me détache davantage du jugement des autres pour me concentrer sur ce qui me fait avancer. Cet album reflète tout cela : un pas vers plus de liberté, de maturité et de sincérité.


Votre album semble adresser à la fois des blessures et des espoirs collectifs. Comment imaginez-vous l’évolution de cette quête de fraternité dans vos futurs projets artistiques ?


Je crois que tous mes projets à venir continueront de résonner avec ce rêve de paix et d’harmonie qui m’habite depuis toujours. C’est une ligne directrice qui ne m’a jamais quitté. Cela dit, j’aimerais explorer des sujets un peu différents, car se répéter n’aurait aucun intérêt. Tout reste néanmoins connecté à ce rêve, et je suis convaincu qu’il mérite d’être poursuivi. J’ai déjà quelques idées en tête, mais tout dépendra de ce qui se concrétise ou non. C’est ce que j’aime dans ce processus créatif : son imprévisibilité. Aujourd’hui, il y a la sortie de l’album, ce concert à La Maroquinerie… mais pour la suite, c’est un saut dans l’inconnu. Peut-être que ce sera le dernier concert, ou alors le début d’une aventure plus grande. Je n’en sais rien, et c’est ce qui rend les choses passionnantes. Je ne sais pas si d’autres albums verront le jour, mais ce dont je suis sûr, c’est que j’ai encore envie de créer, de partager, de jouer pour les autres et pour moi-même. Et je crois que la suite, si elle se dessine, prendra de nouvelles directions. J’ai envie d’explorer d’autres mondes, d’autres ambiances, avec des règles du jeu différentes, toujours dans ce désir de renouvellement et de liberté.


Pour conclure, je souhaitais vous poser la question que je pose à tous les musiciens et compositeurs que je rencontre : pourquoi faites-vous de la musique ?


Pourquoi continuer à faire de la musique ? Parce que cela fait du bien, parce que cela permet de formuler, d’échanger, de rêver. Créer, c’est bâtir un monde à soi quand le vrai monde semble invivable… Et je fais justement de la musique pour incarner cette envie d’aller vers un monde en paix. De poursuivre ce rêve fou qui, un jour je l’espère, ne sera plus un rêve.


© Pauline Mugnier

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