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“NÉOPHORE” : UNE EXPOSITION ÉBLOUISSANTE SIGNÉE DOPPEL STUDIO. 

  • Photo du rédacteur: Victoire Boutron
    Victoire Boutron
  • 22 nov. 2024
  • 5 min de lecture

Avec “Néophore” à la ToolsGalerie, le talent de Döppel Studio frappe fort. Conçues comme un pont entre passé et futur, les douze pièces exposées revisitent l’amphore antique en objet lumineux. Rencontre avec leurs créateurs, Jonathan Omar et Lionel Dinis-Salazar, deux designers aux idées lumineuses. 


© Pauline Mugnier


CNB : Comment est né ce projet ? 


Jonathan Omar : Ce projet, c’est au départ une conversation avec le galeriste de la ToolsGalerie, Loic Bigot. Ça faisait très longtemps qu’on voulait travailler avec cette galerie. Quand on était étudiants, on regardait les productions exposées qui ont toujours été, à notre sens, avant-gardistes. Après notre projet de micro-architecture à Firminy, on a écrit à Loïc et on s’est rencontrés. Au fil des discussions, on sentait qu’il y avait un terrain à exploiter autour de l’amphore et de l’objet lumineux. Le projet est allé assez vite parce qu’on était hyper contents et excités. 


Lionel Dinis-Salazar : Loïc va prendre le risque de faire confiance à des designers plus jeunes pour faire une exposition. Il nous a accompagnés sur sa manière de voir les choses, le marché du design et la période actuelle. Il nous a par exemple émis l’idée de l’émail qu’on a utilisé ici alors qu’on avait, au départ, l’idée d’un émail craquelé qui fait référence aux faïences anciennes. On a redirigé notre choix ensemble et ça a été une véritable co-construction. 


Jonathan : On ne voulait surtout pas faire de sous-texte et c’est le problème avec l’émail craquelé, ça fait tout de suite vieil objet, c’est tout de suite évident. Grâce à Loïc et à la céramiste, Aliénor Martineau (Alma Mater), on a pu se diriger vers quelque chose de plus inattendu. 


Le projet s’intitule « Néophore : transporter la lumière » et fait référence aux jarres et amphores antiques. Qu’est ce qui vous a amené à réfléchir à ce sujet ? 


Jonathan : Ça fait partie de notre vocabulaire commun. On aime beaucoup dessiner des contenants, des amphores… Tout ce qui est en révolution. Ce sont des formes qui sont agréables à dessiner et qui ont cette particularité d’être réfléchies en profil puisqu’ensuite on fait une révolution autour d’un axe. On a l’habitude de dessiner ça. En déployant cette thématique, on en est arrivés à l’idée d’adjoindre un matériau technique -qui est ici le néon flex- pour venir tisser la lumière dans les pièces. 


Dans quelle mesure l’histoire d’un objet a-t-elle une importance dans votre processus de création ? Je pense ici à vos références à l’antiquité, au culte de prométhée… 


Lionel : L’idée, c’est de donner un sens personnel aux objets sur un concept assez simple et fort. C’est ce qui permet de créer une iconographie où tout le monde va s’approprier l’amphore et le détournement qu’on en fait. 


Jonathan : L’idée, c’est de toujours créer un sentiment d’évocation de la culture commune. Même si tu n’es pas spécialiste des amphores, tu reconnais d’où ça vient. Ça évoque inévitablement quelque chose chez toi. Plutôt que de raconter une histoire après-coup, on part d’une forme historique et de son usage, pour l’amener vers notre esthétique. C’est toujours notre point de départ. Nous, on préfère partir du sens premier pour l’emmener là où on veut, sans précision historique. Ici, les formes sont inspirées d’archétypes mais l’idée n’est pas de créer des reproductions. 


Lionel : Créer un lien entre le passé et le futur, c’est présent sur à-peu-près tous nos projets. Quand on a travaillé à la Villa Noaille, on avait cette idée de ruine à ramener, à travers des amphores et du cristal. On l’a refait aussi à Shenzhen : pour ce projet de scénographie, on a remis des morceaux des colonnes doriques - qui composent l’architecture du 19ème siècle- à l’intérieur de socles pour créer l’idée de support pour la création future. Il y avait des pièces de designer posées dessus. Reprendre des fragments du passé pour venir créer ce qu’on appelle des artefacts, c’est une récurrence chez nous. Avec Néophore, on est entre l’amphore et la lampe par exemple. 


A quoi servait l’amphore à l’époque ? 


Lionel : L’amphore, c’était le premier objet industrialisé qui servait de valeur marchande.  L’intérieur correspondait à une quantité, un poids, un contenu. C’était une unité de mesure et il y avait différentes formes d’amphores selon le contenu : du liquide, de l’huile, des denrées… On s’est intéressés à ça et c’est pour cette raison qu’il y a des étiquettes présentes sur nos amphores. Dans l’antiquité, quand les amphores étaient créées, elles venaient être appuyées d’un tampon dans la terre pour mettre, par exemple, l’origine du produit, le nom du propriétaire ou de celui qui l’avait fabriqué… Ça venait cibler les amphores. 


Jonathan : Plein de choses pouvaient être mentionnées sur les anses des amphores et notamment le contenu, la destination ou la provenance. On a détourné ça parce qu’esthétiquement, les tampons dans la terre, on trouve ça beau. Et on l’a détourné en reprenant des codes plus contemporains, à savoir les étiquettes qu’on retrouve sur les vêtements, l’étiquette des scellées… C’est de là que ça vient. 


Avec Doppel Studio, comment concevez-vous un objet ? Comme quelque chose à réinventer, à détourner ? C’est quoi votre démarche à vous ? 


Jonathan : Le processus de fabrication est toujours central. On s’interroge toujours sur la signification d’un objet à travers son usage, s’il existe encore, s’il a eu une évolution ou un arrêt et pourquoi… Ce qu’on peut retrouver chez nous aussi, c’est l’hybride. Surtout pour cette collection. Ici, la technique du tour, qui a toujours existé, est affiliée à un émail récent et particulier, auquel on a ajouté le côté technique du néon flex, qui se travaille comme une corde. 


Lionel : On regarde toujours comment ont été faites les choses, comment elles sont faites aujourd’hui et comment elles peuvent être faites. 


Comment ont été fabriqués les objets ?


Lionel : Quand on a dessiné les pièces et qu’on les a validées avec Loïc Bigot, on a commencé à chercher des céramistes. Au départ, on s’est dirigés vers des techniques avec des moules mais ça a engrangé beaucoup de fabrication donc on est parti sur la technique du tour. 


Jonathan : Au-delà de ça, il y avait un aspect industriel dans le fait d’utiliser un moule et ça ne correspondait pas à ce qu’on voulait faire. On voulait être du côté de l’artisanat. En étant designer industriel, on a tendance à tout vouloir mouler, maîtriser et contrôler au maximum. Or, avec le tour, on contrôle moins. Elles ont toutes eu un contact avec une main humaine qui les a façonnées. C’est ce qui les rend uniques.


Lionel : Et puis, on a travaillé avec Aliénor Martineau (Alma Mater), céramiste à La Rochelle et spécialiste en tour, qui est une personne très précise. Elle a travaillé ici avec un gré naturel qui est un peu en dehors des circuits traditionnels. En plus, Aliénor conçoit elle-même ses émaux. A la cuisson de cet émail, des cristaux éclatent, ce qui provoquent des dorures et des tâches. On ne peut pas définir les zones où vont se passer des jeux, des densités et des éclats. C’est un côté incontrôlable sur chaque amphore qui rend les pièces uniques, au-delà du passage du néon. On trouvait ça vraiment intéressant. 


Combien de temps vous a pris le projet ?


Jonathan Omar : Des dessins préparatoires aux formes qu’on a ici, ça fait à peu près deux ans. Et de la rencontre à la production, un peu moins d’un an. 


Lionel : Il y a toujours un délai pour trouver le bon artisan et pour le fabriquer. Ensuite, il reste la production concrète des amphores, qui, ici, a été faite en trois/quatre mois. 



© Pauline Mugnier


Retrouvez notre bonus vidéo avec Jonathan Omar et Lionel Dinis-Salazar ici à partir de 18h :





Informations pratiques


“Néophore - Transporter la lumière”

Jusqu’au 11 janvier 2025

Exposition gratuite et ouverte au public

ToolsGalerie

16 rue des Coutures Saint Gervais

75003 Paris


@alma_mater_ceramiques



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