Saint Graal clôt le Printemps en feu et en foi !
- Victoire Boutron
- 21 avr.
- 4 min de lecture
Quelques heures avant de faire vibrer la scène du Printemps de Bourges, Saint Graal nous a donné rendez-vous. Dans l’effervescence des derniers moments du festival, on a découvert un artiste à la parole précise, l’œil doux et la vision affûtée. Celui qui a clôturé cette édition 2025 avec un set incandescent nous parle de quête, d’identité, et de cette lumière intérieure qu’il convoque dans chacun de ses morceaux.

Photo : ilanbrk_
Culture is the New Black : Tu as choisi "St Graal" en clin d'œil aux Monty Python. Qu'est-ce que cette référence dit de ton approche artistique ?
St Graal : Quand j’étais petit, j’adorais les Monty Python, ça me faisait mourir de rire — surtout le passage avec le lapin cannibale. C’était tellement absurde, j’étais plié ! Je l’ai revu récemment… et avec le recul, c’est pas si drôle que ça en fait ! [rires] Mais ce que j’aime surtout, c’est l’idée de la quête derrière tout ça. J’ai envie de semer des petits indices un peu partout jusqu’au moment où je sortirai mon album. Par exemple, on a glissé des mots dans des cassettes pour annoncer que quelque chose arrivait bientôt… Mon nom est directement lié à cette idée de quête, d’histoire, de fil rouge. Un peu comme mon EP, qui est sorti avec neuf titres, comme neuf histoires d’amour différentes.
Culture is the New Black : Tu viens d’une famille qui n’a aucun contact avec la musique alors comment est-ce que toi, tu l’as découvert ?
St Graal : Même si mes parents ne font pas de musique, ce sont de grands mélomanes. J’ai toujours baigné dedans. Mon père était imprimeur et un jour, des potes à lui avaient besoin d’imprimer des disques. Ils avaient un groupe psyché. A la maison, il y avait une immense imprimante à la main qui le permettait et une batterie. Ils jouaient et moi, petit, je les regardais. Il y a toujours eu cet univers musical déluré à la maison ! Entre les styles de mon père qui vont du hard rock, au métal et au rock et les styles de ma mère qui vont de la pop, au reggae et à la chanson française, c’est très large et ça a toujours été là. Quand j’ai voulu faire de la musique, ils m’ont dit d’y aller à fond.
Culture is the New Black : Au début de ton projet, tu y es allée au culot puisque tu te faisais même passer pour ton propre manager pour te booker dans des concerts… D’où est-ce qu’elle vient cette rage ?
St Graal : C’est marrant, j’y ai repensé il n’y a pas longtemps ! J’ai passé cinq ans à jouer dans des salles vides à Bordeaux… Je ne sais même pas comment j’ai tenu. Sur le moment, je ne me posais pas la question. Je me disais juste qu’il fallait que je fasse des concerts, c’était une évidence. À l’époque, je n’avais pas de manager, donc j’appelais moi-même les bars-concerts des quais de Bordeaux en disant : “J’ai un super artiste, il s’appelle Saint Graal, il faut vraiment que vous le fassiez jouer chez vous ! Ne vous inquiétez pas, il ne veut pas être payé. Au pire, il prendra au bar s’il y a du surplus.” Ce qui arrivait très rarement… Quand je faisais de l’électro et des trucs un peu dansants, ça plaisait plutôt bien. J’ai donc commencé avec tous mes potes danseurs et drags de l’époque à Bordeaux. Au début, j’étais juste le mec qui mettait play et pause pendant leurs shows. Et puis petit à petit, ils m’ont proposé de venir faire mes propres concerts. Aujourd’hui, c’est moi qui invite des gens à monter sur scène et à faire du drag !
Culture is the New Black : Ton parcours est atypique : tu travaillais comme aide médico-psychologique et parallèlement comme DJ-chanteur dans des cabarets. Comment ces différentes facettes de ta vie ont nourri ta musique ?
St Graal : Mon expérience en tant qu’aide médico-psychologique m’a permis de prendre du recul sur beaucoup de choses. Ça m’a vraiment aidé, surtout au début, quand je galérais. Quand tu vois la réalité de personnes qui sont dans des situations vraiment difficiles, tu ne peux que relativiser. J’aidais des gens en grande détresse psychologique, parfois à la rue, et moi à côté, je me plaignais parce qu’il y avait quatre personnes à mon concert… Ça m’a remis les pieds sur terre. Tous mes patients avaient beaucoup d’humour, ce qui permettait de décomplexer sur beaucoup de choses et d’apprendre. En tant qu'infirmier et aide-médico psychologique, je manipulais des corps toute la journée et ça, ça décomplexe. Ça a mis du temps mais ça m’a permis de me mettre en accord avec moi-même et avec mon corps. Maintenant, je saute partout ! [rires]
Culture is the New Black : Ton dernier EP explore l'amour sous toutes ses formes, et parfois-même de manière frontale : un amour à trois, un amour contrarié, même un viol entre hommes. C’est important pour toi de prendre position dans tes textes ?
St Graal : Je voulais écrire sur des histoires d’amour quand n’entend pas. Le polyamour, l’amour à trois, le viol entre hommes… Tout naturellement, c’est devenu politique. J’ai parlé de ma bisexualité par exemple. Même quand on ne veut pas faire de politique, on en fait. Le but n’est pas de porter d’étendard mais de normaliser les choses. Je n’ai pas envie de mener un combat pour dire que j’ai raison. Je passe juste un message et si ça adhère tant mieux, sinon, tant pis !
Culture is the New Black : A la fin de tes concerts, tu fais toujours un petit laïus qui explique ta manière d’être comme une ôde à la tolérance, tu dis même que tu es “chelou”... Pourquoi c’est important pour toi de marteler ce message ?
St Graal : Je me suis fait harceler au collège et je n’arrivais pas à être moi-même car je me regardais uniquement à travers le regard des gens. Je me jugeais en fonction de ce regard-là, qui n’est pas le mien. Aujourd’hui, c’est vraiment intéressant pour moi de parler à tous ceux qui se sentent exclus, à côté ou à part. Tout le monde se sent à côté de quelque chose ! Il faut savoir avoir cette tolérance envers soi-même pour l’avoir envers les autres.

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