Rencontre avec Romane Lafore : réinterpréter le monde à l’aune de soi-même
- Hugo Lafont
- 2 déc. 2024
- 13 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 déc. 2024
C’est dans un café de République, éclairé par l’une des rares journées ensoleillées de ce mois de novembre, que nous avons rencontré Romane Lafore pour discuter de son second roman, La Confession (Flammarion). L’un des plus marquants de cette dernière rentrée littéraire. Un livre que l’on aura pas peur de qualifié de nécessaire, tant il soulève des questions essentielles sur la religion et les normes sociales. Nous y avons parlé de dogmatisme religieux, d’émancipation, et de l’importance de ré-interpréter le monde pour se libérer des carcans imposés par nos milieux. La Confession raconte l’histoire d’Agnès, une jeune femme catholique pratiquante qui, après avoir suivi à la lettre le scénario de vie dicté par sa foi et sa communauté, se retrouve confrontée à un vide intérieur. Son rêve de maternité ne s’accomplit pas, créant une fissure profonde en elle et la poussant à commettre l’irréparable. Entre jalousie et culpabilité, Agnès tente de trouver le chemin de l’absolution, offrant une réflexion glaçante sur le renversement du bien et du mal. Une rencontre et un grand roman qui invitent à repenser nos rapports à la vérité.

© Pauline Mugnier
Chère Romane, il est de coutume dans Culture is the New Black de demander aux personnes que l’on rencontre comment elles vont. Comment tu te sens en ce moment, quelle est ton humeur ?
Depuis quelques semaines, j’ai un état d’esprit assez apaisé. Je sors d’une période de promotion et de rentrée littéraire assez éprouvante, c’est un peu une période de montagnes russes émotionnelles. C’est tout aussi galvanisant qu’éprouvant, ça monopolise beaucoup l’esprit et fait perdre beaucoup de temps sur le travail personnel, moi en l’occurence la traduction. C’est une période qui n’est pas non plus propice à l’écriture, j’ai un projet de troisième livre que j’ai vraiment envie d’écrire depuis un certain temps, mais mon esprit n’était jusque là pas disponible pour s’y consacrer. En plus, avant d’être un peu plus apaisé, j’angoissais sur La Confession sans savoir que ça n’était pas important. Cette rentrée-là a été particulièrement tragique, j’ai été beaucoup alerté par l’état du monde comme bon nombre d’entre nous, et savoir que ce qu’on peut écrire ne peut pas vraiment avoir d’impact sur l’état des choses peut paraitre un peu déprimant. Que ton roman ait du succès ou non, l’univers va continuer à exister tel qu’il est, et donc tu culpabilises d’autant plus de souffrir de sa réception. Je pense que ça concerne un peu tous les écrivains, si ce n’est les cinq ou six élus de la rentrée qui vivent une sorte de conte de fée, mais là je me sens enfin contente, je suis sortie de cette phase. J’ai fait le deuil de mon livre et des fous espoirs autour de lui. Je vais recommencer à écrire et à me consacrer à un projet au long court, je n’aurai plus à être obsédée par ce qu’il se passe autour de mon livre.
Comme tu l’as dit, tu as en effet publié en août dernier ton second roman, La Confession chez Flammarion. Cinq ans après Belle infidèle, qui explorait avec grand talent les frontières troubles entre fiction et réalité par l’oeil et les mots d’un traducteur, tu choisis ici de faire parler Agnès, jeune femme issue d’une famille catholique traditionaliste et intégriste qui peine à avoir un enfant - alors qu’il s’agit là même de son voeu le plus cher dans la lignée de ce qu’encourage son milieu social. Quel est le point de départ de ce roman, qu’est-ce qui t’a poussé à l’écrire ?
En fait, j’ai voulu écrire sur les filles catholiques traditionalistes au moment de la Manif pour tous. J’avais même pas commencé à écrire Belle infidèle que j’avais eue l’idée de La Confession. La Manif pour tous m’avait emplie d’une colère hallucinante, mais elle m’avait aussi étrangement fascinée comme on peut être souvent fascinés par des choses horribles. Ça m’a fascinée d’autant que même si mes parents étaient athées, mes grands-parents paternels qui m’ont beaucoup éduquée étaient très catholiques. Ils seraient sans aucun doute allés parader à la Manif pour tous s’ils étaient encore vivants. La Manif pour tous a réveillé en moi mon rapport très conflictuel avec la religion catholique. Après l’avoir beaucoup aimée, jusqu’à mes 10-12 ans, je m’en suis largement écartée. J’ai été profondément déçue par elle et par mes grands-parents, qui incarnaient finalement toute l’hypocrisie et le double discours aberrant propres à l’image clichée que l’on se fait des grandes familles catholiques bourgeoises. Je m’en suis donc violemment écartée, mais j’ai tout de même dû faire mon année de terminale à La Légion d’Honneur. C’est là-bas que j’y ai rencontré des cathos d’un tout autre niveau, les royalistes, ceux qui mettent un brassard le jour de la mort de Louis XVI, avec des femmes qui sont littéralement capables d’en vouloir à Simone Weil d’avoir légalisé l’avortement en disant qu’elle est responsable du plus grand génocide du XXe siècle. Cela m’a mise hors de moi. Le livre est venu de ça, pas juste avec l’envie de dénoncer, mais avec l’envie de comprendre comment on peut en arriver là. Comment des femmes comme moi, avec la même vie, la même mode, la même musique, peuvent vivre avec ces femmes-là qui semblent venir d’une autre époque ? J’ai eu envie de me mettre dans leur peau par fascination. Ça m’intéressait vraiment. Les gens qui m’horripilent m’ont toujours intéressée.
Et donc tu ressentais paradoxalement une certaine forme de proximité avec ces femmes-là aussi ?
Oui, je l’ai écrit aussi parce que je ressens justement une certaine forme de tendresse pour elles. Je n’aurais pas pu être Agnès, parce que sociologiquement ça n’était pas possible, mais j’aurais pu être très catholique. Comme elle. Ça n’est pas un monde totalement étranger pour moi, j’aurais pu en faire partie. Donc tout est venu de ça, de cette envie d’écrire sur les catholiques. J’ai mis un petit temps avant de me remettre dans le bain du second roman après Belle infidèle, j’avais prévu au début d’écrire une grande fresque familiale qui se passerait entre la Manif pour tous et l’incendie de Notre-Dame, mais c’était d’une ampleur inconcevable. C’était un projet extrêmement ambitieux que j’ai essayé d’écrire durant quatre ans, c’était une masse narrative hyper difficile à manipuler, et plus j’avançais, plus je réalisais que ça n’était pas ce sur quoi je voulais écrire. Que je n’aimais pas tant que ça les fresques familiales, et qu’il me fallait donc me concentrer sur l’un des personnages de cette famille : Agnès, celui qu’on retrouve dans La Confession. Elle était l’un des personnages du roman choral, et j’ai zoomé sur elle. J’ai écrit le roman en six mois à peine, vraiment à toute vitesse, j’ai rien utilisé du texte source, j’avais littéralement son histoire inscrite dans ma tête du début à la fin, je savais ce que je voulais dire. Ça faisait comme si je la connaissais par coeur depuis cinq ans.

Pour Belle infidèle, tu t’étais inscrite dans un domaine que tu connais bien, celui de la traduction, toi-même étant traductrice d’italien. Mais là, pour La Confession, tu as fait le choix de prendre un point de vue à l’opposé du tien en décidant de raconter l’histoire d’Agnès. Je voulais savoir, qu’est-ce que ça fait de prendre la peau d’un personnage dont on ne partage pas les mêmes idées ?
À mes yeux il n’y a pas vraiment de rupture entre les deux romans. J’ai beau être traductrice, je me suis mise dans la peau d’un homme quand même pour Belle infidèle ! Si tu veux, il y a le même niveau d’altérité entre moi et le protagoniste de Belle Infidèle qu’entre moi et Agnès de La Confession. C’était quand même assez subversif et jouissif pour moi de me mettre dans la peau d’un homme, mais là, je ne fais que me mettre dans la peau d’une catholique. Je ne sais pas vraiment comment dire, mais je ne me sens pas si éloignée d’elle. Les circonstances de son existence diffèrent des miennes, mais sa psyché et sa façon de penser se rapprochent de ce que je suis. J’ai voulu la comprendre totalement, et la seule manière de la comprendre pour moi était de me mettre dans sa peau. C’est peut-être justement pour ça que le roman n’apparait pas comme un manifeste ou une satire anti catholiques ! C’est sûr et certain qu’ils ne seraient pas d’accord avec le propos du livre, mais Agnès n’est sans doute pas un personnage totalement caricatural. Je me permets d’en vouloir à la religion parce que d’une certaine manière je me sens très proche d’elle. La détestation a toujours quelque chose de profondément intime.
Tu as déclaré dans une interview, je cite, « j’ai toujours aimé les anti-héros, les personnages de roman ordinaires, avec leurs qualités comme leurs défauts. Mais Agnès provient absolument, organiquement, de moi, même si nous avons sur à peu près tout des avis politiques divergents. Tout ce qu’elle éprouve, je l’ai éprouvé avant elle, je l’ai simplement déplacé. » Je trouve cette dernière phrase assez fascinante. Qu’est-ce que tu voulais dire par là ?
Je suis partie du principe que j’allais imaginer une fille à laquelle j’allais prêter toutes mes qualités, comme ce que j’ai fait pour le héros de Belle infidèle. J’ai du mal à écrire des personnages très éloignés de moi, ça me semble toujours sonner faux. J’ai pris là ma façon de penser concernant Agnès, je lui ai donné mes faiblesses et mes choses inavouables. Je l’ai faite se développer dans un environnement différent du mien, mais je me suis servie de moi au début pour l’écrire, pour essayer de comprendre jusqu’où elle irait dans son développement et dans sa réflexion en fonction des contingences imposées par son milieu. Je me suis servie de ce que je pense avoir compris de ma personnalité grâce à la psychanalyse, qui joue un rôle très important dans ma façon de me déplacer ailleurs. Pour faire simple, c’est comme si j’avais placé toutes mes passions et toutes mes caractéristiques dans un tout autre contexte pour voir ce que ça pouvait donner. Toute l’écriture d’Agnès est sortie totalement de moi, comme si je jouais à un jeu de rôle. Écrire pour moi se rapproche beaucoup d’un jeu de rôle.
Est-ce que l’écriture de La Confession en soi t’a permise d’appréhender davantage le point de vue d’autrui ? Ce que je veux dire c’est, est-ce qu’on a quelque chose à gagner à prendre le point de vue d’un autre dans le travail d’écriture ?
Honnêtement, je ne pense pas fondamentalement. Comme je disais, là j’ai davantage écrit par fascination que par envie d’identification. Ça ne m’a aucunement fait changer sur mes positions, même s’il y a une forme de pardon qui se développe au fur et à mesure du roman. Je n’ai pas écrit ce livre pour me pacifier. Je l’ai écrit parce que je voulais creuser dans cette fascination et cette colère que j’éprouve envers les gens de ce milieu. Sans doute aurait-il été totalement différent si j’avais eu envie d’écrire sur une certaine réconciliation, peut-être aurait-il même connu bien plus de succès, mais ça n’était pas l’objectif. J’ai un peu fait la paix avec le personnage d’Agnès, et s’il doit exister une certaine forme de réconciliation dans le livre, elle ne concerne que moi vis-à-vis d’elle. Elle n’a rien de politique. Je reste totalement opposée à ce milieu et à leurs croyances, et j’ai l’espoir peut-être qu’individuellement les gens puissent s’en éloigner. Et Agnès comptait dans ces espoirs.
Est-ce que toi-même tu trouves une certaine résonance entre tes deux livres, ou les considères-tu comme intrinsèquement distincts l’un de l’autre ? Se mettent-ils en lumière selon toi ?
Il y a un énorme lien, c’est clair, et je m’en suis rendu compte au moment où j’ai abandonné la fresque familiale. Je m’étais dit au début que mon second roman serait très éloigné du premier, mais finalement j’ai à nouveau écrit un livre à la première personne mettant en scène un personnage qui veut créer quelque chose : Julien Sauvage de Belle infidèle veut écrire un roman et Agnès de La Confession veut porter un enfant, et tous deux n’y parviennent pas en constatant qu’autour d’eux tout le monde y arrive. C’est exactement la même histoire en fait !
Tout le principe de la confession tout au long du livre suggère à la toute fin une horreur qu’a commise Agnès, mais puisque en soi la plupart des lecteurs n’adhèrent pas à ses idées et ses objectifs, ils se retrouvent biaisés au cours de la lecture au sujet de cette horreur qui pourrait pour nous ne pas en être une. On la lit être tiraillée par ses démons, en sachant que nous-mêmes pourrions jouir de la voir se livrer à nos propres idées. Était-ce une manière pour toi de souligner les mécanismes du sentiment de culpabilité ? De montrer à quel point on pouvait se dogmatiser nous-mêmes ?
Totalement oui, c’est très bien résumé. Ce qui m’intéressait profondément c’était le renversement, l’inversion chez le personnage d’Agnès, la ré-interprétation de ce que peuvent être le bien et le mal. Cela dit, à la toute fin, quand elle décide d’agir tel que nous aurions aimé qu’elle agisse, elle le fait pour de mauvaises raisons. Sa culpabilité semble davantage provenir du fait qu’elle a envié d’autres femmes, qu’elle a voulu détruire le bonheur d’autres gens par pure jalousie. Quand nous, en prenant de l’âge, on comprend la bêtise de ce que sont l’envie et la jalousie, elle finalement régresse en se livrant à ces sentiments-là parce qu’elle a été dogmatisée toute sa vie. La culpabilité provient du fait de céder à ses propres pulsions, et la religion ne lui suffisait plus pour l’aider à les canaliser. Plutôt que de l’endoctriner, la religion aurait du l’aider psychiquement. La religion catholique te dit de ne pas désirer, de ne pas voler, elle t’exhorte à ne pas faire un nombre incalculable de choses alors qu’elle ne prend pas en compte les conséquences psychologiques et psychanalytiques de tels refoulements. La religion n’aide à pas comprendre nos souffrances, et les confessions absolvent les péchés sans chercher à comprendre leurs origines. Le fait qu’Agnès ait cédé à ses pulsions aurait dû d’une certaine manière la soulager, mais les dogmes qui lui ont été toujours imposés l’en empêchent.
Mais il y a quand même quelque chose de salvateur dans les sentiments d’envie et de jalousie qu’elle ressent tant ils sont humains et primordiaux, non ?
Salvateur dans le sens où l’envie lui permet certainement de rentrer en contact avec des femmes qu’elle n’aurait jamais rencontrée autrement ! Et ça lui a permis aussi d’expérimenter. Je ne voulais pas trancher, les décisions qu’elle prend à la fin du livre, qu’on les juge bonnes ou non, lui permettent de se remettre en question et de peut-être considérer que ce qu’elle fait s’avère être bien. Elle se découvre elle-même. C’est par l’envie en fait qu’elle parvient à se connaitre un peu plus. L’amitié et l’amour sont des sentiments qui se basent aussi sur une certaine envie. Je pense que le rapport d’envie est constitutif des sociétés humaines.
© Pauline Mugnier
Finalement, La Confession révèle pour beaucoup les façons que l’on a d’interpréter le bien et le mal, de les incorporer en tant que vérité en guise de sublimation de nos convictions. La foi d’Agnès, et ce qu’elle en déduit au cours du roman, démontre que seule compte l’interprétation de nos croyances. Une telle affirmation toutefois suggère d’une certaine manière qu’aucune vérité n’est absolue, que le bien et le mal ne sont qu’interprétations : est-ce selon toi libérateur ? Salvateur ? Où dès lors se placer s’il n’existe aucune vérité ?
C’est ce que moi je ressens de façon très personnelle. On fait exister en soi une morale nécessaire à la subsistance et à la bonne tenue de notre société, et j’ai eu moi-même une éducation très judéo-chrétienne faites d’injonctions morales exacerbées, mais j’essaye justement de m’en arracher pour ré-interpréter les choses. Je pense qu’il faut toujours ré-interpréter à l’aune de soi-même. A contrario, la religion catholique que je connais engage une forme d’absolutisme dans nos façons d’interpréter. Finalement, La Confession explore la lutte d’Agnès pour ré-interpréter une réalité façonnée par un milieu qui lui a imposé des vérités indiscutables. Et si tout ça peut apparaitre comme libérateur ? Pour moi, certainement oui. J’ai beau être péremptoire et avoir un système de valeurs très définie, j’ai toujours bénéficié des fois où mes certitudes ont été déjouées. J’éprouve sans cesse le besoin de bâtir des vérités sur tout avant de me rendre compte combien elles peuvent être friables. Il y a quelque chose de salvateur là-dedans. C’est angoissant, mais c’est ça, l’expérience de la liberté. Et comme tout ce qui touche au sentiment de liberté, il ne faut pas s’attendre à y trouver premièrement du réconfort.
Cette place accordée au sens de ce qu’est l’interprétation semble être fortement lié à ton métier de traductrice. Finalement, tout est lié à l’interprétation quand on traduit un texte, la traduction ne sera jamais exactement identique au texte d’origine. Percevais-tu déjà à la rédaction de La Confession le lien entre ce motif de ton livre et ton propre métier ?
C’est très juste ! C’est même tout le sujet de Belle infidèle. Pour moi, la traduction, c’est de l’analyse et de l’interprétation : et c’est ça qui m’intéresse profondément dans ma vie, le fait d’analyser et d’interpréter. Si j’ai été intéressé par la traduction originellement, c’est parce que je pouvais interpréter. Je ne pense pas que j’avais absolument réalisé le lien entre mon métier et La Confession, mais en effet il existe clairement. Mes deux romans mettent finalement en scène des protagonistes qui vivent dans des mondes qui demandent à être interprétés. Ils vivent dans des mondes de signes. L’interprétation est sans aucun doute une clé de lecture de mon travail.
Lire La Confession, c’est aussi suivre l’histoire de l’émancipation d’Agnès : une libération des carcans imposés par son milieu social traditionaliste, des injonctions familiales et religieuses, mais aussi d’elle-même. De ses propres idées. Une émancipation imposée en soi par son propre corps, qui se retourne contre elle dans le fait de ne pas savoir tomber enceinte. Penses-tu que l’on est destiné à obéir involontairement aux lois imposées par nous-mêmes, comme une forme d’adaptation à nos tourments ?
Oui, et je crois beaucoup au psychosomatisme. C’est ce qui arrive quand on ferme les robinets, quand on refoule ses pulsions, le corps répond de lui-même aux entraves qu’on lui impose. Je pense qu’on échappe absolument pas à nos messages cachés. Il y a bien un moment où ils vont se manifester à nous, dans une forme plus ou moins douloureuse et plus ou moins tardive. Je suis certaine que les rapports entre les individus sont émaillés de manifestations inconscientes et de pulsions qui nous échappent. On ne pourra jamais tout diriger et tout contrôler, et c’est ça qui me fascine, ce moment où les messages cachés ressortent et s’avèrent être indomptables.
Ces femmes qui vivent dans ces milieux que les dogmes définissent, penses-tu qu’elles puissent s’émanciper du déterminisme social ? Faut-il que l’on soit tous capable à chaque instant de réinterpréter nos milieux, à l’aune de nos incertitudes ?
Il faudrait. Mais en fait, on est très peu à le faire et encore moins nombreux à vouloir le faire. Il y a très peu de gens qui s’interrogent sur la reproduction sociale, et il faut comprendre aussi que c’est un luxe que de pouvoir le faire. C’est très difficile pour une femme endoctrinée de s’émanciper, de ce milieu comme d’un autre. Il faut tenter coûte que coûte, mais il est sûr et certain que c’est tout aussi douloureux d’être dogmatisé que de s’émanciper. Il faut quand même essayer et y croire un minimum.

© Pauline Mugnier
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