Rencontre avec Cyril Metzger : “Fête des Mères” au coeur des névroses familiales
- Chiara Groux
- 2 mai
- 15 min de lecture
Quelques heures avant de monter sur scène, au calme dans les coulisses du Théâtre Lepic, Cyril Metzger nous accueille avec cette bienveillance qui le définit. Il joue dans Fête des Mères, une pièce drôle, crue et tendre sur les relations familiales et leurs silences. Le théâtre, chez lui, a d’abord été un refuge, un moyen de contourner une dyslexie profonde, avant de devenir une vocation. Un terrain de jeu et de vérité. Comédien franco-suisse, il incarne une nouvelle génération d’acteurs à la fois sensibles, drôles et ancrés, qui abordent le plateau avec justesse et liberté. Artisan du jeu et amoureux du texte, il impose une fraîcheur et une énergie vibrante. Culture is the New Black part à la rencontre de cet acteur bosseur, lumineux, et profondément humain.

© Pauline Mugnier
Culture is the New Black : Cyril, pour débuter cette interview, pourrais-tu me décrire ton humeur du moment ?
Cyril Metzger : Alors en ce moment, je suis en PF, c'est-à-dire en pleine forme, ça va super bien. J’ai un peu honte, mais j’ai un tatouage où il est écrit en PF. On était quatre amis, personne ne savait tatouer, et on s’est tous tatoués en cercle avec une aiguille en même temps… c’est du n’importe quoi ! Mais c’est un copain qui me l’a fait donc ça reste un beau souvenir.
CNB : Avant de parler de la pièce dans laquelle tu joues en ce moment, j’aimerais qu’on revienne sur ton parcours. Tu viens de loin, de Suisse, tu es originaire du canton de Fribourg, plus précisément de la région de la Gruyère.
Cyril Metzger : Hyper important à dire ! Je ne suis pas Fribourgeois, je suis Gruérien !
CNB : À première vue, rien ne te destinait vraiment à devenir comédien. Ton père travaille sur les chantiers, ta mère est thérapeute spécialisée dans le chamanisme… Qu’est-ce qui t’a conduit vers le théâtre ?
Cyril Metzger : Quand j’étais petit, j’étais profondément dyslexique. Entre ce que j’avais dans la tête et ce qui sortait de ma bouche, c’était comme un entonnoir. Je parle très vite aujourd’hui, et déjà à l’époque, j’avais du mal à exprimer mes idées clairement. Une logopédiste avait suggéré à mes parents de m’inscrire au théâtre. C’était compliqué, parce que je ne savais pas lire, mais j’avais une vraie aisance à l’oral. À cinq ans, j’ai joué dans ma première pièce, Le Petit Nicolas. Personne ne sait comment j’ai appris mon texte. Je ne savais pas lire, ma mère et ma prof de théâtre ne m’avaient pas fait répéter… Je crois que j’ai rusé : je demandais aux autres enfants “J’ai oublié ma réplique, tu peux me la redire ?” et j’ai appris comme ça.
Adolescent, j’ai mis le théâtre de côté parce que je faisais du sport à haut niveau. Mais après une blessure, j’ai dû trouver de quoi occuper mon temps libre, et j’ai décidé de reprendre le théâtre. C’est là que j’ai rencontré un homme qui a joué un rôle déterminant dans mon parcours. En Suisse, il n’y a pas vraiment de figures de référence dans le cinéma. Je n’avais pas de mentor, mais lui croyait sincèrement en moi. Il m’a payé des cours du soir, il m’a préparé aux concours des grandes écoles. Résultat : j’ai été reçu dans toutes celles où j’ai postulé. J’ai choisi de partir à Lille, à l’École du Nord. C’est là que j’ai commencé à y croire vraiment. Mais j’ai vite déchanté. Je me sentais à la traîne par rapport aux autres qui étaient mieux préparés. Et puis, j’ai appris à faire confiance au travail, à m’accepter, à me pardonner. L’indulgence, combinée à l'effort, est un bon duo. Par la suite, je suis monté à Paris, j’ai commencé à jouer au théâtre… et puis le Covid est arrivé. Je ne pouvais plus jouer, alors je me suis lancé dans le cinéma.

© Pauline Mugnier
CNB : Est-ce que c’est en quittant ta Suisse natale que tu as commencé à vraiment croire en ta carrière ?
Cyril Metzger : Même encore maintenant il m’arrive de ne pas trop y croire. Tu es dépendant du désir des autres. Quand tu crées tes propres projets, tu deviens dépendant des financements et des partenaires. Donc tu n’es jamais vraiment maître de ton projet. Le facteur de la réussite numéro 1 dans ce milieu c’est la chance, rien n’est jamais acquis. Ce que tu peux faire, c’est travailler pour te préparer au mieux à saisir ta chance quand elle frappe à ta porte. Si tu n’es pas préparé à ça, tu vas te faire bouffer. En plus, tu ne décides pas de ton apparence, tu ne décides pas de ta voix. Il y a des gens qui vont t’aimer, d’autres qui vont te trouver naze, ça fait entièrement partie du jeu !
CNB : Plus jeune, quelles étaient tes premières références ?
Cyril Metzger : J’en avais très peu, c’est tout bête mais j’adorais les BDs de Tintin, et j’étais surtout un enfant de la télé, je regardais beaucoup d'émissions. En grandissant, j’ai découvert les grands classiques grâce à mon père qui vient d’une famille française. Il m’a fait découvrir Cyrano de Bergerac, Danton, Coluche… j’avais une vraie fascination pour la joute verbale.
CNB : Tu parles du facteur chance, quel a été le tien ?
Cyril Metzger : Je pense que j’en ai eu deux. Mon premier facteur chance a été mon prof en Suisse qui a cru en moi et qui m’a offert les cours du soir. Il a misé une pièce sur moi et a activé chez moi un désir qui n’était peut-être pas forcément présent avant. Mon deuxième facteur chance se situe à Lille, je souffrais d’un très gros syndrome de l’imposteur, et le directeur de l’école qui s’appelle Christophe Rauck un homme rude mais juste, m’a soulagé du complexe de faire mal. C’est une phase obligatoire de l’apprentissage. Il m’a appris à m’assumer, à apprendre à m’aimer, à accepter mon jeu. Il m’a surtout fait comprendre que ce métier, c’est de l’artisanat. Je suis un artisan et non pas un artiste. Je n’ai pas de truelle, mais mes outils sont ma tête, mes mains, ma voix.
CNB : Ça t'a appris à ne pas avoir peur de te planter ?
Cyril Metzger : Dans ce métier, tu te prends tellement de refus, qu’il ne faut pas tout prendre personnellement. Ça m'a permis de comprendre que tout n’est pas de notre ressort. Il faut être patient et pugnace, et ne pas être chiant. On n'est plus dans les années 80, il y a beaucoup de concurrence aujourd’hui, il faut que les personnes désagréables dégagent. Valorisons la sympathie !
D’ailleurs, j’ai eu trois facteurs chance quand j’y pense. Mes premiers projets théâtraux et cinématographiques se sont faits avec des personnes très intéressantes qui ont un vrai savoir-faire au niveau du jeu. Sandrine Kiberlain m’a offert un petit rôle et m’a mis le pied à l’étrier. Je pense que ça m’a amené de la douceur mêlée à l’exigence, ce qui fait qu’aujourd’hui je me sens suffisamment armé dans ce métier.
CNB : Tu as évoqué ta dyslexie : quelles sont tes techniques pour apprendre un texte ? Notamment dans Fête des Mères, où tu enchaînes les répliques très rythmées, avec des jeux de mots et des variations de tempo…
Cyril Metzger : Ça dépend du projet et du texte. Dans la pièce Fête des Mères, j’ai essayé d'apporter ma patte pour faire des blagues. Mais vous savez, je me prends beaucoup de fours ! Il y a des blagues qui ne marchent pas, ça m’a permis de développer aussi l’humour cringe. Tout se construit avec le public. Sinon, pour l’apprentissage du texte, comme j’ai de la peine à retenir quand je lis, je fais de la lecture à haute voix, je m’enregistre, je réécoute. Je fais absolument tout à l’oreille. C’est comme ça que la dyslexie s’est manifestée chez moi.
CNB : Est-ce que tu ressens de la musicalité dans les textes ?
Cyril Metzger : Complètement ! Tout marche avec la musicalité et le rythme. Moi j’aime quand ça sonne. Louis de Funès a bien prouvé qu’il n’y a pas de trop, ni de pas assez. C’est soit juste, soit faux. Tu peux en faire des caisses et ça sonne juste ou alors le contraire ! Je veux mettre un point d’honneur à la rythmique, dans la comédie comme dans le drame.

© Pauline Mugnier
CNB : C’est d’ailleurs quelque chose qui se ressent quand on assiste à la pièce, où ton personnage Arthur tient un rôle clé, hyper rythmé et rempli d’humour. Fête des Mères, comme son nom l'indique, parle d’une réunion de famille où vont se retrouver trois frères et sœurs, mais tout ne va pas se passer comme prévu…
Cyril Metzger : C’est une famille, et comme beaucoup d'entre elles, il y a des conflits internes. À l’occasion de son anniversaire, qui coïncide avec la Fête des Mères, la mère décide de réunir ses deux fils, et cette fois, d’inviter également sa fille, avec qui elle est en froid depuis trois ans. Mais lorsque tout le monde arrive, la mère n’est pas là. La pièce explore alors ces mécanismes familiaux immuables : chacun reste enfermé dans son rôle, dans sa « case », sans possibilité d’en sortir. Ce qui devient particulièrement intéressant, c’est l’arrivée des pièces rapportées, en l'occurrence les conjoints, qui, en entrant dans ce système, viennent toujours faire vaciller un équilibre. Dans la pièce, deux personnages extérieurs à la famille se retrouvent ainsi embarqués dans cette réunion : le compagnon de l’aîné et une femme, du même âge que la mère, qui prétend être la compagne du petit dernier, malgré leurs vingt ans d’écart. Toute la tension de la pièce repose sur l’attente de cette mère absente, les secrets qui entourent la famille, les non-dits… Et à travers tout cela, on aborde aussi les rôles bien définis au sein d’une fratrie.
CNB : Tu interprètes le rôle d’Arthur, le compagnon de Gabriel, l'aîné de la fratrie. Ton personnage alterne sarcasme, humour, autodérision.. comment tu le décrirais de l’intérieur ?
Cyril Metzger : Arthur utilise le sarcasme pour s’imposer auprès de son mec qui est très secret sur sa famille. Il écoute beaucoup sa petite voix dans sa tête, on dirait qu’il a un vrai trouble de l’impulsivité. Arthur ne supporte pas les injonctions de comportements de son mec, alors il décide de faire tout le contraire pour l’embêter. Arthur est un personnage très détente, qui fait beaucoup de bêtises, à la limite de la beauferie, mais toujours avec intelligence.
CNB : Le texte oscille entre comédie et tragédie, en nous plongeant au cœur de l’intimité familiale. Il m’a d’ailleurs fait penser à la chanson Défaite de famille d’Orelsan…
Cyril Metzger : C’est exactement ça ! Orelsan dit “Si vous n’avez pas peur du vide, regardez Monique dans les yeux”, cette punchline est incroyable. Toutes les situations ne se vivent pas de la même manière. Amour, colère, détestation… la famille, tu es obligé de la fréquenter, tu n’as pas le choix ! Orelsan le dit… tu n’es pas français si tu n’as pas un oncle raciste. Ça fait partie du lot ! Ce qui est bien réussi dans la pièce Fête des Mères, c’est cette peinture sociale des réunions de famille : ça boit, ça rigole, ça devient bourré, ça se dit des atrocités, ça pleure, ça s’engueule, finalement ça se prend dans les bras et ça se dit je t’aime. C’est toujours un peu pathétique et très pur à la fois.
CNB : C’est la première fois que tu explores la comédie sur scène. Qu’est-ce que ce registre t’a appris sur toi et ton jeu ?
Cyril Metzger : Dans le rôle d’Arthur, j’ai un humour très beauf presque bigardesque, et parfois des blagues très intelligentes, puis directement après du cringe. Ça m'a vraiment appris à devoir apprivoiser le bide, je m’en prends beaucoup ! Pour moi, la rythmique du rire est la plus difficile. Faire pleurer, c’est plus simple, c’est souvent les mêmes thèmes. Faire rire, c’est beaucoup plus compliqué. J’ai appris à être patient du résultat même si ça demande beaucoup de travail.
CNB : Tu es très accroché à la réception du public quand tu es sur scène ?
Cyril Metzger : Au début oui. Quand on l’a créée à Avignon, j’étais aux aguets, une comédie ça se construit avec le public. C’est un partenaire qui fait partie de la pièce. Le drame, tu t’en fiches, ça peut se dérouler quand même. Donc au début j’étais très accroché au public, maintenant je suis rodé. C’est aussi parce qu’il y a des moments où mes blagues ne sonnaient pas, il fallait que je travaille le texte, la pause, le dessin du corps. C’est très chorale.

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CNB : Tu ne te limites pas au théâtre : tu joues aussi au cinéma et dans des séries. Tu as commencé avec Chambre 212 de Christophe Honoré, puis Une jeune fille qui va bien de Sandrine Kiberlain, et, la même année, L’Événement d’Audrey Diwan, qui a décroché le Lion d’Or… Ça fait beaucoup d’un coup !
Cyril Metzger : C’était incroyable ! Il s’agissait de deux petits rôles, mes tout premiers au cinéma. Je tournais en journée avec Sandrine Kiberlain, et la nuit avec Audrey Diwan. Deux rôles d’époque, très différents, avec deux réalisatrices elles aussi très différentes. Commencer comme ça, c’est assez rare : l’un des films a remporté le Lion d’Or à Venise, et avec celui de Sandrine Kiberlain, on s’est retrouvés au Festival de Cannes. C’est complètement fou de se dire que pour mon premier vrai rôle, je me retrouve à Cannes. Mais surtout, ça m’a permis d’être repéré par des directeurs de casting et de gagner en légitimité.
CNB : Tu as eu l’impression de brûler les étapes en te retrouvant rapidement en haut de l’affiche ? Le syndrome de l’imposteur t’a traversé l’esprit ?
Cyril Metzger : Non, je crois que j’étais prêt. C’est exactement ce que je voulais !
CNB: Qu’est-ce que le cinéma t’apporte de différent par rapport au théâtre ?
Cyril Metzger : Ce n’est pas du tout la même approche. Au théâtre, tu es éloigné du public, donc ton émotion, ton point de vue sur ce que tu dis, doivent résonner jusqu’au dernier rang. C’est un jeu plus extérieur. Alors qu’au cinéma, c’est la caméra qui vient te chercher. Tout passe par l’œil, ton regard. Il faut faire un vrai travail intérieur. La charge émotionnelle n’est pas la même. Le cinéma a été un peu plus difficile pour moi, parce que je suis quelqu’un de pudique. J’avais du mal à lâcher prise devant la caméra. J’étais beaucoup dans le contrôle, et par exemple, pleurer face caméra, c’était compliqué. Le cinéma m’a appris à me détendre. Il faut accepter d’être regardé, de se laisser observer.
Et puis il n’y a pas que la caméra : sur un plateau, il y a énormément de monde, derrière le combo, autour… C’est impressionnant. Quand tu tournes des scènes intimes, de sexe, de grande tristesse ou de joie intense, tu dois garder en tête qu’il y a tout ce monde autour. Au début, tu y fais attention. Et puis, à force, tu oublies.
CNB : En parlant de grosses productions, tu as tourné dans Winter Palace, la première série de la RTS coproduite avec Netflix — une véritable fierté nationale. C’était ton tout premier grand rôle à l’écran, et il t’a valu le prix Swissperform 2025. Tu as eu le temps de réaliser ce que ça représente ?
Cyril Metzger : Ce qui est étrange, c’est que le tournage remonte à très longtemps. Entre la fin du tournage et la sortie, avec toute la phase de montage, le projet me paraît presque ancien. Moi, je suis très ancré dans le présent : j’ai besoin de travailler maintenant, c’est dans l’action que je suis le plus heureux. J’adore ça, vraiment. Donc quand une série sort, je suis souvent déjà plongé dans d’autres projets. Le moment où je réalise vraiment, c’est quand je me vois à l’écran, qu’on fait des avant-premières en salle, qu’on reçoit des messages sur les réseaux ou qu’on me reconnaît dans la rue. Là, tout à coup, je revis le projet. Et j’étais particulièrement fier de cette série, parce que c’est une production suisse, chez moi. Le rôle d’André Morel m’a profondément touché. Le contexte de tournage était complètement fou : 70 jours de tournage dans la neige, en costume d’époque du XVIIIe siècle, à monter à cheval, à affronter des avalanches… C’était dingue ! On était parfois plus de mille personnes sur le plateau. Un vrai tournage de malade !
CNB : C’est une série qui fait office de carte postale pour la Suisse, un pays finalement assez méconnu à l’étranger… Est-ce que tu as ressenti une forme de responsabilité en devenant, quelque part, l’un de ses visages ?
Cyril Metzger : À fond ! En Suisse, notre principal défi, c’est la diffusion et l’impact de nos productions. On est huit millions, avec une majorité de Suisses allemands, et une minorité italienne et francophone. L’enjeu avec Netflix, c’était justement de permettre à ce projet de rayonner à l’international - et ça a très bien fonctionné.
Ma responsabilité, c’était aussi de montrer qu’en Suisse, on a de très bons acteurs, qu’on peut monter des productions solides, même sans star système. Chez nous, les personnalités connues, les politiques prennent le train comme tout le monde. Il n’y a pas de figure comme Pierre Niney en Suisse. Et s’il y en avait une, peut-être que les gens investiraient davantage dans des projets locaux, ce qui nous donnerait plus de visibilité.
C’est là que j’ai ressenti un vrai poids : si j’étais un flop, Netflix n’allait sûrement pas remettre des millions dans une production suisse. Je portais aussi cette responsabilité vis-à-vis de mes collègues : on jouait aux côtés d’acteurs américains et britanniques très reconnus, alors je voulais être à la hauteur. Je crois que ça a bien marché, et j’en suis très fier. C’était une énorme responsabilité, mais aussi une très belle aventure.
CNB : Serais-tu le prochain Pierre Niney suisse (rire) ?
Cyril Metzger : Ça serait incroyable ! Non mais Pierre Niney est tellement génial, mais moi il faut que je sois moi. Pour l’instant je suis bien à ma place, on va voir comment ça va se passer. Mais j’aimerais surtout continuer à travailler à l’étranger, en France, dans d’autres langues. Je viens tout juste de terminer un film en allemand… Je veux continuer à faire ça. J’aimerais surtout qu’après en Suisse, il y ait un petit groupe qui se crée avec les acteurs et actrices suisse qui ont beaucoup de talent comme Kacey Mottet-Klein, Thibaut Evrard, Isaline Prevost Radeff ou le réalisateur Pierre Monard..
CNB : Vous faites la paire avec Pierre Monard, vous enchaînez les projets !
Cyril Metzger : Je l’adore, on forme un vrai binôme. On partage cette même envie de faire émerger les talents suisses, pour qu’on puisse obtenir plus de financements et, à terme, monter des projets plus ambitieux, plus beaux, plus grands. En Suisse, il y a des histoires magnifiques à raconter, des décors incroyables… On a un vrai potentiel !

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CNB : D’ailleurs, est-ce que tu ressens, dans ton métier, des différences culturelles entre la Suisse et la France, notamment dans le milieu artistique ?
Cyril Metzger : Ah oui, carrément ! En Suisse, par exemple, on ne « joue pas du coude ». C’est très révélateur d’une mentalité. Il y a un roman incroyable qui illustre bien ça : Mars, de Fritz Zorn. C’est une histoire vraie, celle d’un homme atteint d’un cancer, qui tente d’expliquer pourquoi il est tombé malade. Il est zurichois, et il raconte comment, selon lui, la mentalité suisse l’a littéralement tué. C’est un récit bouleversant. Je vais te donner une autre image qui, pour moi, résume bien cette mentalité : quelqu’un d’ultra riche achète une assiette à 500 euros, mais elle est toute blanche, comme celle qu’on trouve chez Ikea. Ou bien tu t’offres une voiture neuve, mais tu la salis très vite, pour qu’on ne remarque pas qu’elle est neuve. En Suisse, il ne faut pas que ça dépasse.
Il y a une extrême politesse, c’est ce qui fait aussi le charme du pays ! Mais si tu prends trop de place, si tu parles fort, si tu es un peu grande gueule, on va te faire comprendre qu’il faut te calmer. Quand je suis arrivé à Lille, je me suis retrouvé entouré de gens qui avaient fait cinq ans de cours Florent. Il fallait avoir du cran, de l’aplomb. J’ai dû apprendre à moins m’excuser. Et artistiquement, je pense que c’est ça, la limite de la Suisse : c’est difficile de voir émerger des personnalités très fortes. On m’a déjà dit, là-bas : « Tu as déjà beaucoup tourné ces derniers temps, ce serait bien que tu te mettes un peu en retrait. » C’est assez révélateur.
CNB : Qu’est-ce que tu tiens absolument à conserver de ton identité suisse ?
Cyril Metzger : Être très civil même si je continue à passer au rouge au passage piéton et courir dans les escalators (rire), la politesse, l’écoute… Je veux garder ce côté suisse en moi, même si ça peut saouler certains, moi j’aime bien.
CNB : De l’autre côté, qu’est-ce que la Suisse pourrait apprendre de la France au niveau culturel ?
Cyril Metzger : En Suisse francophone, on a encore beaucoup à apprendre de la France, que ce soit au niveau des auteurs, du langage… ou simplement dans le fait d’être fier. Et c’est essentiel ! Il faut revendiquer son talent, être fier de ce qu’on crée. On a besoin de plus de fierté artistique, de davantage de mise en avant — pas seulement chez nous, mais aussi à l’international. Le Swissmade, ce n’est pas uniquement les montres ou les médicaments. C’est aussi l’art ! Les Français parlent, vont vite, et ils font. Nous, on parle peu, on ne va pas vite, et parfois… on ne fait pas. Il y a une phrase de notre ancien président pendant le Covid qui résume bien l’état d’esprit suisse : « On va faire les choses aussi rapidement que possible, mais aussi lentement que nécessaire. » Parfois, on gagnerait à avoir un peu plus de panache, à oser plus, à être plus Coubertin dans l’âme. Mais je suis optimiste : avec les réseaux sociaux, tout se connecte, tout s’unifie. Et ça, ça bouge les lignes.
CNB : Qu’est-ce qui te plait le plus dans ton métier aujourd’hui et dont tu ne pourrais plus te passer ?
Cyril Metzger : Avec ce métier, il n’y a jamais de routine. J’aime rencontrer des gens, j’adore tchatcher. J’aime aussi et surtout les textes qui m'aident au quotidien. On a une des plus belles langues du monde, et les textes me font comprendre des choses sur moi. Et ce métier me permet aussi de vivre milles situations, c’est pour ça que je ne pourrais pas m’en passer. Je suis très épanoui !
CNB : Quels sont tes projets futurs ?
Cyril Metzger : Alors je peux pas trop en parler, mais je tourne une série pour HBO où je vais jouer une sorte de Jordan Bardella. J’ai hâte, car c’est un nouveau rôle que je rajoute à ma palette. Je ne suis pas trop catalogué comme acteur, j’ai de la chance donc on me propose des projets très variés.
CNB : Merci Cyril !
Fête des Mères, une pièce d’Adèle Royné, jusqu’au 31 mai 2025 au Théatre Lepic, Paris 18ème. Du mercredi au samedi à 21h - Les dimanches à 17h
Infos et billetterie : https://theatrelepic.com/2024/12/09/fete-des-meres/

© Pauline Mugnier
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